scampino : je trouve ton exemple très convaincant. Il me rappelle des tas de situations réelles où <compris>, prononcé par une femme, ne prend pas l'accord — sans que ce non-accord ne manifeste une "faute". D'ailleurs je ne mettrais pas le phénomène dont tu parles sur le même plan que des énoncés oraux du type :
hier je me suis faite agresser par un voyou
où la présence de la forme féminine du participe passé signale très souvent, selon moi, une hypercorrection à rapprocher de :
s'il aurait su, il ne serait pas venu.
En passant à l'écrit cette fois-ci, il n'est pas rare de trouver les deux graphies suivantes :
hier je me suis faite agresser par un voyou
hier je me suis faite agressée par un voyou.
Mais quand le verbe présente une différence audible entre infinitif et participe passé, on aura, chez le même scripteur, plus probablement :
hier je me suis faite mordre par un chien
[s]hier je me suis faite mordue par un chien[/s].
L'homophonie propre aux verbes du premier groupe a ceci de très particulier qu'elle semble abolir, à grande vitesse, les distinctions entre infinitif et participe bien que, paradoxalement, ces distinctions demeurent très vivantes partout où l'homophonie n'agit pas ? deuxième et troisième groupes. Si le verbe <faire> était également frappé d'homophonie, le problème de l'hypercorrection du genre <elle s'est faite opérer> ne se poserait plus.
Retour à ton exemple. Le rapprochement que tu suggères entre <tu F?m'as bien compris> et <c'est bien compris>, que tu opposes à <tu F?m'as bien comprise>, me paraît très intéressant, quelle que soit la (non-)différence de sens qu'on attribue entre les deux énoncés <...F?m'...>. En l'occurrence, je pense que la thèse d'une différence sémantique, comparable à la distance entre une quasi-injonction et un aveu, est tout à fait envisageable. Peut-être y en a-t-il d'autres ? Il se pourrait aussi que toutes les locutrices ne fassent pas le même usage de l'accord, à supposer que toutes se saisissent de la possibilité d'alterner. Et parmi celles qui alternent, il faudrait en savoir plus au niveau individuel avant de passer à la dimension collective. Vaste programme !
Mais je veux suivre ton intuition à propos de la proximité entre <tu F?m'as bien compris> et <c'est bien compris> qui, pris ensemble, marqueraient une position autre que celle de <tu F?m'as bien comprise>. Ça me rappelle un autre point, amplement débattu sur ce forum, qui est celui du genre. Mon opinion est que, bien souvent et contrairement aux apparences les plus frappantes, la langue française se passe volontiers de forme masculine spécifique pour évoquer un animé de sexe masculin. Par exemple nous n'avons pas de terme qui désigne exclusivement un spécimen mâle de l'espèce Panthera leo — alors que nous avons <lionne> pour le spécimen femelle. Pareil avec Homo sapiens où <homme> n'est pas la désignation spécifique des individus de sexe masculin : le français n'a pas de terme pour ça, alors qu'il dispose de <femme> côté féminin. On peut bien sûr interpréter en disant que la forme masculine <lion>/<homme> concerne alternativement un sexe seul ou les deux sans distinction. Mais ça ne change pas le résultat. On peut opposer :
F?M?lion — M?lion — F?lionne
F?M?homme — M?homme — F?femme
d'une part (deux formes), à :
F?M?parent — M?père — F?mère
F?M?enfant — M?fils — F?fille
d'autre part (trois formes).
Là où je veux en venir, c'est qu'on aurait un schème équivalent au type <lion>/<homme> pour les participes et adjectifs non-épicènes :
F?M?compris — M?compris — F?comprise
F?M?gentil — M?gentil — F?gentille.
Et de même qu'on pourrait avoir, au sujet d'une lionne particulière, la phrase suivante :
ce lion est un mangeur d'homme
on a aussi la phrase dite par une femme que tu proposais :
tu m'as bien compris !
Où il apparaît que <lion> & <compris> s'emploient également quand le seul animé en référence est de sexe féminin.