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forum abclf » Réflexions linguistiques » mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

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Messages [ 17 ]

Sujet : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Bonjour à vous tous,

Ne soyez pas en rogne, mes questionnaires précédents sont comparativement traités de manière compréhensible. Je me permets ainsi d'en poster un nouveau, pour que vous m'éclairiez.

1, L'expression nib de nib, signifiant rien du tout, est-elle encore employée en français moderne ?

2, La différence de ces adverbes:
- fort - fortement - forcément
- juste - justement
Comme j'entends dire toujours parler plus fort, et jamais parler plus fortement.

3, D'où vient l'expression tomber de Charybde en Scylla ? celle-ci signifiant tomber de la poêle dans la braise.

4, Emploie-t-on encore le verbe Ouïr ? J'ai ouï dire que celui-ci était archaïque, n'est-ce pas?

Ouf ! C'est plus fatigant que je ne le pense. Comme toujours, un bon merci termine ma lettre.

Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Coucou Papy !!

Je vous donne une piste pour votre deuxième question et je laisse la place aux autres ! smile

2. Dans Parler fortfort est bel et bien un adverbe, qui signifie d'une manière forte. La différence avec fortement est très mince ... il y a encore une histoire d'usage là-dessous. sad

Le contraire de l'adverbe fort est doucement.

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Merci Bounigne, vous qui êtes le premier à me répondre.

Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

nib, ou nib de nib, c'est de l'argot; je pense que c'est encore utilisé à l'oral, à l'écrit certainement, dans les romans de  Léo Malet par exemple; il me semble qu'il y a aussi une chanson de Maurice Chevalier... bien sûr tout cela n'est pas très récent; je ne pense pas que les jeunes d'aujourd'hui emploient encore cette expression entre eux; c'est plutôt les personne aux alentours de la quarantaine, et je le répète, dans un contexte très familier, et plaisant.

Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Tomber de Charybde en Scylla signifie aller de malheur en malheur, ou éviter un malheur pour en trouver un pire.
Tomber de la poële dans le feu est la façon créole d'exprimer la même vérité. Je croyais que seuls les Guadeloupéens s'exprimaient ainsi...

Charybde et Scylla sont des personnages de la mythologie grecque : Charybde est une déesse punie pour sa gloutonnerie, et qui depuis vit sur un rocher du détroit de Messine ; Scylla est une jeune fille que la magicienne Circé, sa rivale en amour, a transformée en monstre, corps de femme, mais de son aine jaillissent des chiens furieux qui dévorent tout. Elle est installée en face de Charybde, dans le même détroit de Messine, et elle dévore les proies qui ont échappé à Charybde.

Les Anciens traduisent ainsi les dangers de la navigation dans ce détroit : si l'on échappe aux tourbillons de Charybde, on risque de se fracasser contre Scylla. Ulysse, lui, est parvenu à passer, non pas sans dommage, mais vivant !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Au temps de la découverte de la Guadeloupe, on disait déjà en France :

Cheoir de la paisle en la braise "aller de mal en pis"

(Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français, avec un exemple des "Contes amoureux" de Jeanne Flore [Lyon, vers 1537]). 

"Tomber de Caribde en Scila" (sic) est selon ce même dictionnaire un peu plus récent : 1633, "Comédie des proverbes".

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Martina :

C'est plutôt les personnes aux alentours de la quarantaine, et je le répète, dans un contexte très familier, et plaisant.

Et aussi: limité à la France, voire limité à Paris. En Belgique (de même, je pense, au Québec, ou ailleurs), très rares sont les personnes qui connaissent cette expression, et plus rares encore celles qui l'utilisent. C'est le problème de l'argot: limité dans le temps (se démode vite, change constamment), limité sociologiquement, limité géographiquement.

Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Pierre Enckell a écrit:

Au temps de la découverte de la Guadeloupe, on disait déjà en France :

Cheoir de la paisle en la braise "aller de mal en pis" 


(Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français, avec un exemple des "Contes amoureux" de Jeanne Flore [Lyon, vers 1537]).

Le dicton a traversé les mers avec les trente-six mois qui n'avaient certes jamais entendu parler d'Ulysse... Et moi qui  l'attribuais faussement à la créativité créole !
Je n'ai ajamais mis en doute que le parler des Antilles, français local et créole, est le conservatoire d'un état ancien de la langue.

"Tomber de Caribde en Scila" (sic) est selon ce même dictionnaire un peu plus récent : 1633, "Comédie des proverbes".

Là, je me permets une objection : la source imprimée date de 1633, mais relisez son titre : Comédie des Proverbes. Autant dire que cet ouvrage met en scène des proverbes déjà connus du public. 1633 est une date d'enregistrement, pas une date de naissance !
La remarque vaut d'ailleurs pour toutes les dates de tous les dictionnaires. Un mot que l'on écrit (sauf les créations tel le vistemboire de Jacques Perret), c'est un mot qui circulait déjà. Depuis quand ? Qui peut le dire ?

Bref, ces deux expressions sont mem bitin, mem bagay !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

... et même le vistamboire a des origines anciennes, dans une chanson :

Il prit son escabelle,
Et le pot au ouistanvoire,
Aussi le pot au lait.

(J.-B.-Christophe Ballard, "Les Rondes, chansons à danser", 1724, tome I, p. 23).

L'exception envisageable concernerait plutôt les choses inventées ou découvertes, et baptisées sur-le-champ par leur inventeur ou découvreur. Mais à 99,9% (proportion non scientifique), TOUS les mots, locutions, etc., du français et de toutes les autres langues ont été utilisés oralement avant d'être mis par écrit. Les dates qu'on leur attribue sont donc à la fois "fausses" : ces termes existaient auparavant, et temporaires : comme tous les textes n'ont pas été dépouillés, ils se rencontrent peut-être dans un document plus ancien. Les chercheurs ne peuvent qu'affiner l'approximation, en présentant de nouvelles attestations.

Pour "Charybde et Scylla", le dictionnaire de Di Stefano fournit bien des occurrences antérieures de ces noms propres ("entre Sillam et Caripdim" au sujet d'un "grant peril de mer", avec référence apparente à saint Augustin), mais la première attestation du "proverbe" dans un sens figuré est bien, jusqu'à nouvel ordre, de 1633. Toute date attestée plus ancienne - pour cette locution comme pour toute autre - constituerait une amélioration des données lexicographiques, mais aucune ne pourrait indiquer avec une quelconque certitude quand cette expression a été utilisée pour la première fois par un de nos ancêtres s'entretenant avec un autre.

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

et voici une terre cuite étrusque représentant Scylla:
http://img84.imageshack.us/img84/4999/charybde4vd.jpg
la qualité n'est pas très bonne, car j'ai photographié deux pages d'un magazine... excusez!

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

à propos du verbe ouïr ?

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

non, on n'emploie plus le verbe ouïr, sauf dans l' expression suivante: "par ouï-dire"; savoir quelque chose par ouï-dire, c'est le savoir pour l'avoir entendu dire, empiriquement en quelque sorte, de façon superficielle et non vérifiée.
Il y a aussi l'adjectif "inouï", qui signifie à l'origine "jamais entendu auparavant", et maintenant "incroyable". C'est l'antonyme de ouï, participe passé du verbe ouïr qui, lui, ne s'emploie plus.
On n'emploie plus ce verbe que plaisamment, c'est à dire en manière de plaisanterie: "qu'ouïs-je?" "oyez, bonnes gens!"

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

martina a écrit:

...
Il y a aussi l'adjectif "inouï", qui signifie à l'origine "jamais entendu auparavant", et maintenant "incroyable". C'est l'antonyme de ouï, participe passé du verbe ouïr qui, lui, ne s'emploie plus.

Dans le même ordre d'idée, quel est l'antonyme de "vu" ?
J'ai trouvé "invu" chez Huysmans, mais dans aucun dictionnaire...

Merci !

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Au sujet du verbe ouïr, la réponse de Raymond Devos:

"Il y a des verbes qui se conjuguent
très irrégulièrement.
Par exemple, le verbe ouïr.
Le verbe ouïr, au présent, ça fait:
J'ois... j'ois...
Si au lieu de dire "j'entends", je dis "j'ois",
les gens vont penser que ce que j'entends est joyeux
alors que ce que j'entends peut être
particulièrement triste.
Il faudrait préciser:
"Dieu, que ce que j'ois est triste!"
J'ois...
Tu ois...
Tu ois mon chien qui aboie le soir au fonds des bois?
Il oit...
Oyons-nous?
Vous oyez...
Ils oient.
C'est bête!
L'oie oit. Elle oit, l'oie!
Ce que nous oyons, l'oie l'oit-elle?
Si au lieu de dire "l'oreille",
on dit "l'ouïe", alors:
Pour peut que l'oie apartienne à Louis:
- L'ouïe de l'oie de Louis a ouï.
- Ah oui?
Et qu'a ouï l'ouïe de l'oie de Louis?
- Elle a ouï ce que toute oie oit...
- Et qu'oit toute oie?
- Toute oie oit, quand mon chien aboie
le soir au fond des bois,
toute oie oit:
ouah! ouah!
Qu'elle oit, l'oie!...
Au passé, ça fait:
J'ouïs...
J'ouïs!
Il n'y a vraiment pas de quoi!"

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

Les dictionnaires ne disent pas tout le lexique de la langue ; l'«invu» (unseen en anglais), c'est rare et plutôt savant mais ça existe. On en trouve plusieurs attestations via google livres et un assez grand nombre sur google.fr On trouve même sur le premier une citation rapportée de Huysmans, à propos de Degas : «“Ia sensation de l'étrange exact, de l'invu si juste”».
Sinon, on pourrait penser à l'invisible=ce qui n'est pas visible, donc ce qui n'est pas vu.

16 Dernière modification par piotr (28-09-2006 16:20:00)

Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

David C a écrit:

J'ai trouvé "invu" chez Huysmans, mais dans aucun dictionnaire...

Oh la la !  Huysmans est peut-être l'écrivain français, gros consommateur de mots rares et producteur d'apax en quantité, dont on a le plus de mal à retrouver le vocabulaire dans les dictionnaires, fussent-ils les meilleurs.
  Une mise en garde ici et un  petit florilège .

elle est pas belle, la vie ?

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Re : mon 46e questionnaire: nib, adv, tomber de Charybde en Scylla, ouïr

2. Parler fort signifie d'une voix forte, d'un point de vue purement physique. Fortement a davantage une connotation figurée: parler d'une façon forte, sûre, de façon a se faire entendre, parler sans hésitations. C'est le sens que je donne à parler fortement, mais je lui préfère d'autres adverbes ou des locutions plus explicites.

3. Cette expression est internationale. Cf. l'anglais Out of the frying pan into the fire et l'italien Dalla padella nella brace.

4. Ouïr, comme bruire, choir, clore sont peu utilisés à cause de la difficulté qu'on peut avoir à les conjuguer. On leur préfère entendre, faire du bruit, tomber, fermer, à la conjugaison plus simple. Ils ont conservé un emploi littéraire ou stylistique: Elle laissa choir sur le fauteuil ses membres las  ou figuré: L'incident est clos.

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